Gods of Men de Barbara Kloss
Entendez-vous cette mélodie au loin ? Sentez-vous votre esprit s’égarer par ses notes envoûtantes ? Laissez-vous porter en découvrant Gods of Men de Barbara Kloss, aux éditons Rivka.
Un très bon moment de lecture.
> Genre : Fantasy
> Sous-genre : High Fantasy (création d’un monde totalement imaginaire), Medieval fantasy (les décors et les mœurs s’inspirent du Moyen-Âge)
> Résumé
Au cœur du désert, dans un palais d’or et d’argent, vit la jeune Imari. Éprise de liberté et intrépide, sa vie bascule le jour où elle tue sa petite sœur en jouant de la flûte. Ses rêves détruits, elle n’a plus le choix que de vivre cachée.
Devenue Sable, guérisseuse au nord du pays et voleuse pour aider les plus démunis, ni la musique, ni la flûte maudite ne l’ont quitté… Recluse et meurtrie, elle est loin de s’imaginer que sa rencontre avec Jos la conduira à affronter son passé et à devenir celle qu’elle devait toujours être.
Mensonges, trahisons, manipulations… Dans un monde où être doué de magie peut vous conduire à la mort, seuls son courage et sa détermination pourront la sauver car des puissances obscures semblent prêtent à tout pour la tuer…
Une femme. Un pouvoir. Un destin.
Une plume très bien maîtrisée dans un univers parfaitement développé du début jusqu’à la fin. L’auteure a su construire un monde dans lequel nous ne notons aucune incohérence. Chaque action, décor, personnage, capacité hors norme… trouve leur place et forme un récit abouti. Au fil des pages, nous retrouvons l’atmosphère caractéristique de Blanche-Neige et le Chasseur : une ambiance sombre créant parfois un sentiment de malaise. Toutefois, cette ressemblance avec d’autres univers ne s’arrête pas là. Entre un aspect moyenâgeux, la barbarie quelques fois présente, les manipulations, trahisons ou encore les jeux de pouvoir, ce roman n’est pas sans rappeler la série Game of Thrones. Nous pouvons noter que les personnages de Sable et Jeric, peuvent évoquer d’une certaine manière Daenerys et Jon Snow. Cependant, toute autre similarité s’arrête là. Game of Thrones est mentionné dans ma chronique mais j’aurais pu parler d’autres séries toute aussi connues, puisque nous retrouvons souvent ce type de trames dans la fantasy.
Nous nous laissons très vite emporter par le roman de Barbara Kloss. Nous sommes pris au piège et souhaitons découvrir la suite avec envie. Il faut avouer que l’écrivain nous plonge rapidement dans le bain par l’intermédiaire d’un drame. Le mystère s’épaissit petit à petit et nous pousse à nous interroger dès les premières pages. Il n’est pas simplement question d’une jeune femme capable de tuer des personnes grâce à sa musique, l’univers est plus complexe. Des complots se mettent en place, des ennemis se tapissent dans l’ombre ou encore de vieux secrets ressurgissent du passé. Sable est le joug de ses complots. Le texte n’est qu’un entrelacs de chemins se croisant et se décroisant. Qui sont les ennemis, qui sont les alliés ? Qui est le pion et qui mène la danse ? Quelques personnages vacillent entre le bien et le mal ou jouent un double jeu, tandis que d’autres n’aspirent rien que de la méfiance et nous laissent songeurs sur leurs véritables intentions.
L’attrait très plaisant est le fait que Barbara Kloss ne se contente pas de semer sur notre parcours des questionnements sans donner quelques réponses. Elle distille au fur et à mesure des informations et sait très bien les doser. Tout est amené pour nous conduire jusqu’à la fin sans nous frustrer en cours de route. Les révélations de la fin sont une totale réussite. À aucun moment, l’écrivain ne fait une allusion ou glisse des signes. Nous sommes abasourdis mais heureux de n’avoir rien vu.
En soit le texte ne sort pas des sentiers battus mais la manière d’aborder la religion le rend original car les analyses partagées par Barbara Kloss sont rarement abordées dans la fantasy en général. Telle une thèse, elle ne laisse rien au hasard. Chaque façon de penser trouve son exemple à travers ses personnages. Elle sépare très bien le sens du mot « croyance » de la religion. Nous pouvons croire en une force spirituelle sans pour autant croire en la religion ou partager les idées religieuses, Tolya le prouve bien. L’écrivain en fait deux choses distinctes et tente de casser les codes, celles qui auraient tendance à les fusionner. La religion n’est pas Dieu et Dieu n’est pas la religion. Les religions contiennent des vérités mais ne sont pas La Vérité. À nouveau, un argument suffit à renforcer ses propos en la personne de Ventus et ses sbires : leurs actions sont loin d’être des plus nobles. Le problème n’est pas de croire ou non en une entité supérieure, le problème est la manière dont nous utilisons cette conviction et nous la propageons. Nous utilisons le Créateur pour créer une prétendue idéologie spirituelle mais est-ce vraiment la voie et les messages que le divin a mis en place ? Interprétons-nous correctement les signaux que certaines personnes ont voulues nous transmettent ? Ou au contraire l’Homme ne manipule-t-il pas certaines connaissances pour son simple profit ? Tant d’interrogations et de sujets pointés du doigt dans ce roman.
Un autre aspect rendant ce roman intéressant est les messages moralisateurs que nous pouvons discerner. Par exemple, la flûte de Sable peut être vue comme une métaphore de l’acceptation de soi. Le vrai bonheur n’est pas en se cachant dans un coin reculé ou derrière des vêtements mais en acceptant toutes les facettes de sa personnalité, de son physique ou de ses capacités. Nous pourrons nous grimer, nous bâtir une nouvelle vie, nous ne pourrons jamais détruire ce que nous sommes réellement au plus profond de nous. Ce n’est pas la faute d’un quelconque dieu si nous commettons des erreurs ou nous souffrons, mais bien à cause de nous. Nous prenons conscience que fuir nos souffrances ou notre passé ne résout rien. Au contraire, elles nous enfoncent dans nos idées noires, voire, elles nous obligent à façonner une identité ne nous correspondant pas. Mais il suffit parfois d’une rencontre ou d’un événement pour briser cette carapace. Personne n’est infaillible, tout le monde peut être amené à remettre en question sa foi ou ses idées, nous le constatons parfaitement grâce à Jeric. Nous ne sommes pas forcés de sortir les grands moyens, une parole, une façon d’être, un comportement… et c’est tout un monde qui s’écroule.
Le duo Sable et Jeric fonctionnent très bien et créée une belle harmonie. Malgré deux personnalités aux passés et aux idées divergentes, ils se ressemblent énormément. Leurs forts tempéraments rendent leur couple électrique mais plaisant à suivre. Ils s’apportent mutuellement, Sable permet à Jeric d’ouvrir les yeux sur ses idéaux et Jeric l’a conduit indirectement à devenir celle qu’elle doit être.
Pour finir
L’auteure fait de ce récit de l’imaginaire, un roman complexe dans un univers sombre à souhait. Un cocktail des plus réussi entre des sujets de société, des personnages développés et un combo mêlant complots, trahisons, double jeu et mensonges. Un savant mélange de Game of Thrones et de Blanche-Neige et le Chasseur à découvrir pour les amateurs de fantasy.
Citations :
La vieille dame lui avait répondu que l’homme interprétait souvent la volonté de Dieu en fonction de ses propres intérêts. Elle avait exhorté Sable à apprendre à connaître le Créateur par elle-même et à se faire sa propre opinion.
– Vous n’en n’avez pas peur ? demanda Sable. – Je ne crois pas à la peur. Craindre une chose ne lui donne que plus de pouvoir sur nous. – Ça nous garde aussi en vie. – Un homme emprisonné est vivant. Mais ça ne veut pas dire qu’il vit.
[…] Son regard était aussi provocateur que son ton. – Même la carapace la plus dure peut se briser sous la pression, rétorqua-t-elle sèchement. Gavet lui adressa un sourire carnassier. – Es-tu brisé Sable ? Elle lui rendit son sourire, toutes dents dehors. – Ne sommes-nous pas tous un peu brisés ?
La maison qui l’avait hébergé pendant toutes ces années n’existait plus, pas plus que la femme qui l’avait construite. Il était temps pour Sable de passer à autre chose. Elle en avait si souvent rêvé… Or elle commençait à réaliser que les rêves n’étaient pas sans danger. En apparence parfaits et immaculés, ils séduisaient par leurs promesses, laissant entendre que tout s’arrangerait plus tard ou serait plus beau ailleurs, et empêchaient tout simplement de vivre le présent. Sable avait été heureuse d’une certaine manière, mais ses rêves l’avaient empêchée de le voir.
« Et ainsi, ce qu’Asoraï a créé, l’humanité, dans sa quête de pouvoir et de connaissance, Le souille. L’homme s’approprie les dons précieux du Créateur, les modèle pour satisfaire ses propres désirs et ses propres fins égoïstes, laissant les ténèbres recouvrir le monde. Et les ténèbres grandissent, se nourrissant de mensonges et de tromperies, obscurcissant la lumière, la vérité, donnant naissance au mal. Le peuple sen prend alors au Créateur, furieux qu’Il l’abandonne, alors qu’il n’en a jamais vraiment voulu. »
La mort ne devrait jamais être synonyme de liberté. Pourquoi certains pouvaient-ils déterminer la valeur d’une personne, décider qui était maudit ou qui était béni ? Certes, les Sols Veloriens et leurs Liagés avaient presque réussi à s’emparer des Provinces, mais n’y avait-il pas des extrèmes au sein de tous les peuples ? Hagan était un extrême. Cela signifiait-il pour autant que tous les Corinthiens étaient des monstres ?
Non. L’être humain n’était pas monstrueux par nature. Il le devenait par choix.