Cendres de Marine Kelada
Tout d’abord, je tiens à remercier avec beaucoup d’enthousiasme Marine Kelada de m’avoir permis de découvrir son nouveau roman et de m’avoir fait confiance.
Le livre que je vais pour parler aujourd’hui s’intitule Cendres de Marine Kelada et est vendu en auto-édition.
Je connaissais déjà cette auteure par l’intermédiaire de son précédent livre, L’Héritage d’Arachné, dont vous pouvez trouver ma chronique ici : L’Héritage d’Arachné de Marine Kelada. Ce one-shot (livre unique ne comportant pas de suite) avait frôlé le coup de cœur. Marine Kelada avait su m’attirer dans sa toile en mêlant avec talent rebondissements, suspens, histoire d’amour et légende revisitée. Lorsque l’écrivain m’a proposé il y a quelque mois de découvrir son nouveau récit, j’ai très vite dit « oui ». D’une part, Marine Kelada faisait partie des auteurs que j’avais adoré, d’autre part, le résumé est le style de livre que je mets directement dans ma booklist. De plus, je suis une grande adepte des adaptations des mythes et légendes. En recevant le livre chez moi, j’avais hâte de le commencer en espérant retrouver le charme de sa plume. Je n’ai pas du tout été déçue, au contraire, ce fut un gros coup de cœur !
Cette chronique sera divisée en deux parties :
• Partie I : Un peu d’histoire galloise
• Partie II : À la découverte du roman
• Partie III : Mon Avis
Partie I : Un peu d’histoire galloise
• Le symbole du dragon au fils des siècles au Pays de Galles
Le Pays de Galles voue un culte au dragon rouge depuis des siècles. D’ailleurs, il est représenté sur le drapeau gallois : un dragon rouge sur fond vert et blanc. Néanmoins, ce n’est pas sa représentation d’origine, ce dernier ayant évolué au fil des siècles.
Voici le drapeau :
Au IVe siècle, un dragon provenant de Rome est visible sur les bannières des anglo-romains. Cependant, il faudra attendre le Ve siècle pour que les gallois adoptent ce symbole dans le village d’Aberffraw sur l’Ile d’Anglesey, affirmant ainsi leur autorité et leur pouvoir vis-à-vis des troupes romaines de l’Angleterre. Au VIIe siècle, le Roi gallois de l’époque, le roi Cadwaladr ap Cadwallon ou Cadwaladr Fendigaid (633-682), décide d’adopter un dragon dont la couleur est rouge. Ce dernier se nommera le Dragon Rouge de Cadwaladr. Dans les années 820, l’historien Nennius mentionne le dragon rouge comme symbole du Pays de Galles. En 1400, le dragon rouge sera employé par le prince gallois Owain Glyndŵr (1359-1416) couronné Owain IV de Galles (1404) et symbolisera la révolte contre la Couronne Anglaise. Entre 1485 et 1603, le trône anglais est détenu par la dynastie galloise. De ce fait, la Maison Tudor, fondée par Henri Tudor (1457-1509), amène en Angleterre le symbole du dragon rouge dans les armoiries. Par la suite, il deviendra l’emblème des bateaux de la Royale Navy sous le règne d’Henri VIII (1491-1547 roi d’Angleterre et d’Irlande). Sous le règne du roi Jacques Ier d’Écosse appelé le « captif »(1394-1437), le dragon rouge fit place à la licorne écossaise. Au XXe siècle la popularité du dragon rouge refait surface grâce à son utilisation en 1911, lors de l’investiture du prince gallois Edward qui deviendra roi en 1936 sous le nom d’Edward VIII. En 1959, le dragon rouge deviendra finalement le drapeau officiel de la principauté du Pays de Galles.
D’où viendrait l’origine du dragon rouge ?
Au alentours de 1120, l’évêque et historien Geoffrey de Monmouth (1095-1155) écrit dans son œuvre Historia regum Britanniae (Histoire des rois de Bretagne (œuvre en latin écrit entre 1135 et 1138)) que le dragon rouge proviendrait des légendes autour du Roi Arthur. Cette dernière est le fil conducteur du livre de Marine Kelada.
•La légende du dragon rouge et du dragon blanc
Parlons donc de la légende ayant contribué à l’apparition du dragon rouge et du dragon blanc dans les croyances galloises et inspirée le roman fantasy de l’écrivain.
La légende remonte bien avant l’arrivée du Roi Arthur. La Grande Bretagne est envahie par un Dragon Blanc dangereux, semant la désolation. Cependant, il est arrêté par un autre dragon, le Dragon Rouge, appelé Y Ddraig Goch. Ils se livrent alors une bataille sans merci, faisant couler le sang. Tous les ans, à la veille de mai, des cris s’entendent dans tous les confins du royaume, causant infertilité, chaos et peur. Démuni face à ces cris indéterminés, le roi d’Angleterre, Lludd, demande à son frère roi de Gaule, Llefelys, de l’aide. Ce dernier l’informe que deux dragons sont en guerre et lui donnent des conseils afin d’éradiquer le mal. Le roi Llud remplit donc un chaudron contenant de l’hydromel. Attiré par l’odeur alléchante d’hydromel, les deux dragons se dirigent vers le piège et se transforment en porc. Ils s’endorment profondément et sont enterrés à Dinas Emrys (Dinas Emrys représenterait l’endroit exact du centre du Pays de Galles et une place sûre).
Pendant des siècles, la légende se perdit jusqu’à l’arrivée du roi d’Angleterre, Vortigen. Sénéchal, ce dernier convoite le trône. Il l’usurpe à la mort du Roi Constant, écartant au préalable les héritiers légitimes Uter Pendragon et Constans. Cherchant à fuir les envahisseurs anglo-saxons, il escalade alors les montagnes du Nord du Pays de Galles. Il y fait le choix de s’installer sur une colline appelée Dinas Emrys et souhaite y construire une forteresse. Les ouvriers du roi commencent alors la construction. Ils établissent d’abord la première tour mais toutes les nuits, inlassablement, les fondations s’écroulent. Comprenant qu’un sort empêche toute construction, l’enchanteur de Vortigen conseille à ce dernier de chercher un jeune orphelin dont la mère est vierge. Ce dernier lui permettrait alors d’avoir sa forteresse. Le roi envoie ses hommes afin de trouver ledit garçon. Il est finalement trouvé et se nomme Myrddin Emrys, appelé également Merlin Ambrosius. Au départ, Vortigen et ses conseillers souhaitent le tuer afin de conjurer le sort. Toutefois, le jeune Merlin ayant entendu leur plan, leur explique qu’ils ne peuvent rien construire car un bassin contenant deux dragons est caché sous la colline. Lorsque les dragons sont découverts, ces derniers reprennent leur lutte acharnée. Si avant leur capture, le Dragon Blanc réussit à mettre en fuite le Dragon Rouge, le vent tourne une fois les créatures réveillées et le Dragon Rouge vainc le Blanc, d’où la phrase galloise (Y Ddraig Goch Ddyry Cychwyn : Le Dragon Rouge donne de l’élan). Merlin capable du don de prophétie interprète ce changement et en fait part à Vortigen. Il lui dit alors que le Dragon Rouge symbolisant les gallois et Uter Pendragon vaincra le Dragon Blanc, soit Vortigen. Malgré toutes ses précautions, le roi usurpateur est vaincu des jours plus tard par Uter Pendragon (père du futur Roi Arthur)…
Partie II : À la découverte du roman
> La couverture
À l’instar de la couverture de L’Héritage d’Arachné les nombreux éléments visibles sur celle de Cendres sont parfaitement choisis et travaillés, ainsi que le titre enflammé ayant de nombreux sens par rapport au récit. Cependant, Il faut être attentif pour y discerner tous les dessins, dans le cas contraire, nous manquons des aspects. Nous pouvons voir que la couleur noire représente des cendres, mais peut également être vu comme des écailles de dragons. Au centre de la perle, faisant sans doute référence à Faith, un lotus est perceptible. Cette illustration prend tout son sens, une fois le roman lu. Autour de cette perle, deux dragons apparaissent, le dragon rouge à droite et le dragon blanc à gauche.
> Description narrative
Le genre prédominant est la fantasy. Afin d’être plus précise, je vous présente les sous-genres de la fantasy présents. Nous avons de la romantic fantasy (histoire d’amour sous fond de fantasy), de la fantasy contemporaine (histoire se déroulant entre le XXe et le XXIe siècle), de la fantasy mythique (adaptation d’un mythe) et fantasy historique (des éléments de fantasy viennent s’inclure à des faits historiques).
Le point de vue est interne, c’est-à-dire que le sujet est « je ». Nous suivons les pensées et la vie de Faith, excepté durant un chapitre où le point de vue interne se tourne vers Drayce.
> Résumé
Faith, dix-huit ans, mène une vie particulièrement pénible. Orpheline et souffre douleur du lycée, seule la présence d’Ivy, sa meilleure amie, lui donne du baume au cœur.
Lors d’un petit weekend seule à Snowdonia au Pays de Galles, Faith y fait la rencontre d’un homme lui contant la légende du dragon rouge et du dragon blanc et d’une mystérieuse prophétie. Pourquoi cette légende et la sculpture du dragon rouge dans le village lui font-ils tant écho ?
Un jour, un des membres des harceleurs du lycée vient la rendre visite brusquement chez elle. Il l’informe qu’elle courre un grave danger et ne doit aucunement rester seule. Pensant subir à nouveau leur méchanceté, elle n’en fait pas cas. Telle ne fut pas son erreur… Kidnappée, elle est loin d’imaginer ce qui l’attend car il se pourrait bien que l’histoire du dragon rouge et du dragon blanc ne soit pas qu’une simple légende…
Entre sorcellerie, légendes oubliées, histoire d’amour compliquée et voyagent au cœur des terres galloises, les révélations découvertes par Faith risquent bien de tout bouleverser…
Partie III : Mon Avis
Points positifs
> Le récit
Tout d’abord, ce livre est une ode au voyage dans les contrées du Pays de Galles car les lieux nommés existent réellement. Ne connaissant pas ce pays, j’y ai découvert des paysages magiques, luxuriants et riches d’histoires avec d’anciens châteaux en ruine… Au fil des pages, nous nous laissons transporter. Lorsque l’auteure nous emmenait dans le passé, je sentais cette atmosphère mythique et particulière que l’on trouve uniquement dans les pays celtiques. Grande adepte de l’Irlande, l’Écosse et la Bretagne, le Pays de Galles est exactement le style de lieu que j’affectionne particulièrement. Il devient l’une de mes destinations à explorer d’urgence !
La part historique est vraiment très intéressante. J’apprécie grandement apprendre lors de mes lectures. Elle aborde quelques guerres au Pays de Galle mais aussi la chasse aux sorcières. De plus, l’auteure a très bien su mêler une touche fantasy dans un contexte réel. La légende est vraiment très bien revisitée. Nous retrouvons certains aspects, d’autres ont été détournés ou encore transformés. Marine Kelada est douée pour incorporer des légendes, les changeaient et rendre de ce fait l’histoire originale.
Le récit est bien ficelé et mené. Nous sommes très rapidement emmenés dans l’univers de l’écrivain. À l’instar de L’Héritage d’Arachné, une fois le livre ouvert, il est bien difficile de le lâcher, nous voulons découvrir le dénouement. Il se suffit amplement à lui-même, ni l’histoire, ni la fin n’est pas précipitée. Le suspens est présent du début jusqu’à la fin. Il y a certes, moins de rebondissements que pour son précédent roman mais ils sont surprenants. J’ai été étonnée de découvrir que nous allions sans cesse dans le passé et cet élément m’a beaucoup séduit. J’ai énormément apprécié les retournements de situation. Nous pensons connaître rapidement l’identité de tel personnage mais l’auteure met tout en place pour nous conforter dans une interprétation se révélant totalement fausse et cacher ainsi la vérité. Elle sait parfaitement manipuler le lecteur pour un final percutant.
Il en va de même pour l’histoire d’amour. Nous croyons que Marine Kelada nous donne une piste sur la fin mais ceci est à nouveau un leurre. La romance est très bien construite, nous nous laissons emporter par cette histoire allant au delà du temps. Cet aspect est la clé et le pilier sur lequel repose le livre. Un véritable amour touchant ayant malheureusement souffert. Nous retrouvons la caractéristique de l’amour compliqué entre un être surnaturel et une héroïne semblable à nous, déjà visible dans L’Héritage d’Arachné.
De nombreux messages sont également perceptibles, dont celui de ne pas se fier aux apparences. Le livre aborde également l’importance de la communication, afin de comprendre véritablement la situation et éviter un mauvais jugement. Également, la nécessité de toujours poser le pour et le contre pour faire les bons choix et empêcher de ce fait des situations catastrophiques.
Un final touchant et saisissant. À la fin de ma lecture, je n’avais pas de mots pour la décrire. Quelle surprise et quels retournements de situations ! J’étais totalement estomaquée, à aucun moment je n’ai imaginé ceci. À la différence de son premier livre, aucun élément ne m’a permis de l’apercevoir. Jusqu’à la dernière minute, nous pensons au pire. Au même titre que L’Héritage d’Arachné, elle a réussi à me faire verser une petite larme.
En discutant avec l’écrivain, Marine Kelada m’a demandé quel livre je préférais entre L’Héritage d’Arachné et Cendres. Si au départ, je n’arrivais pas à me décider, j’ai fini par faire un choix en analysant ma précédente chronique. Pour ma part, j’ai une préférence pour Cendres. À la différence de L’Héritage d’Arachné, comme dit précédemment, aucun élément n’a filtré concernant le final. De plus, le livre est beaucoup moins sombre dans les décors, l’histoire et l’atmosphère et j’ai adoré la part historique non visible dans l’autre roman.
> Les personnages
Au même titre que pour L’Héritage d’Arachné, nous retrouvons la caractéristique de l’écrivain, celle du héros masculin surnaturel et de l’héroïne semblable à une simple commun des mortels. Pour ma part, j’apprécie beaucoup ceci car elle permet une belle histoire d’amour entre deux êtres que tout oppose.
Malgré cette caractéristique, les personnages de Cendres sont totalement différents du couple Emma et Arachos. L’écrivain a créé un nouvel univers unique sans ressemblance. Ceci est très rare, chez certains auteurs nous avons parfois l’impression de relire une de leur œuvre avec de nouveaux protagonistes.
La couple Emma et Arachos dans L’Héritage d’Arachné est beaucoup plus sombre que celui de Faith et Drayce plus romantique et léger dans leur passé commun.
Bien que le passé de Faith soit difficile, je l’ai trouvé moins sombre qu’Emma. Elle est plus vivante et plus spontanée. Drayce est un individu dont le tempérament a été compliqué à percer au début. J’ai senti que derrière sa carapace, se révélait une âme tendre. Cependant, ses nombreux secrets me laissaient songeuses et suspicieuses. Lors d’une vision de Faith, j’étais littéralement surprise. Elle dévoilait une nouvelle part de sa personnalité, jusqu’à l’arrivée d’une autre vision nous permettant de mieux comprendre.
Que vous dire sur l’un des personnages dont je tairai le nom ? Une immense surprise et déception de découvrir ses vils stratagèmes. C’est le gros point fort de ce livre et il expose un message très important.
Points négatifs
> Le récit et les personnages
Je n’ai aucun point négatif à citer pour ce livre.
Conclusion :
Marine Kelada a beaucoup de talent pour revisiter les légendes et ménager le suspens. L’auteure a trouvé sa voie et ne doit pas en changer. Son nouveau roman a évolué et laisse présager de futurs récits tout aussi intéressants et surprenants. Habituellement, je ne suis pas une lectrice lisant des livres en fonction de l’auteur mais par rapport à mon ressenti concernant le résumé. Cette écrivain fera exception car je vais la suivre de très près.
Cendres est un récit additif à ne manquer sous aucun prétexte. Si vous aimez les légendes celtiques revisitées, les histoires d’amour traversant le temps, l’histoire, le suspens et les retournements de situations stupéfiants, procurez-vous sans hésiter ce roman, vous ne serez pas déçus.
Un gros coup de cœur à partager pour les amateurs de fantasy young adult.
Note : 6/5 (😁) 5/5
• Citation tirée du livre :
Tandis que nos lèvres s’entremêlaient avec une assurance grandissante, mon cœur virevoltait, une chaleur indescriptible parcourait mes veines, ma peau devenait brûlante. Nos souffles heurtés se mêlèrent. C’était mon premier baiser. J’aurais voulu que cet instant dure éternellement. Nous étions jeunes, impulsifs, amoureux et insouciants. Peut-être même inconscients.
– C’est bien plus que cela, corrigea-t-il en riant doucement. La fleur de lotus a une symbolique très particulière pour son peuple. Sais-tu que, par sa beauté, elle incarne la pureté ? Que par sa longévité, elle symbolise l’éternité ? On raconte qu’elle peut survivre des centaines, voir des milliers d’années, et renaître des siècles de dormance. Alors, c’est bien plus qu’une simple fleur. Elle est pureté, éternité et renaissance.